TÉMOIGNAGES
J (TDS) : « Ben j’ai du mal à aller voir les professionnels de la santé… parce que ça me met mal à l’aise et euh… Je pense que... j’ai de très mauvaises expériences avec les médecins… enfin c’est un peu difficile… Je ne vais jamais chez le médecin. J’avais vu une gynéco une fois mais j’y suis jamais retournée. » (1)
M (Infirmière) : « Tu imagines pas ce qu’on entend ailleurs… après je comprends hein, c’est tellement un sujet dans l’affect ça parle sexe et plein de choses en fait… souvent le partenariat médical c’est… navrant… le problème c’est que la perception qu’elles pensent qu’on a d’elles… euh… mais c’est vrai en fait… le problème avec les partenaires c’est de leur faire comprendre que ce n’est pas une identité en fait… ce n’est pas une identité. C’est une activité… c’est faire comprendre que l’activité prostitutionnelle c’est une activité. » (1)
“Ce n’est pas une identité. C’est une activité”
Oui, dans le milieu de la santé aussi les préjugés et les stéréotypes négatifs sur les TDS existent. Résultat, il peut y avoir de la méfiance et une prise en charge inadaptée. Selon une enquête Suisse, 55% des TDS ne révèlent pas leur profession aux médecins.
Alors à toi de créer les bonnes conditions d’accueil de la parole. On doit pouvoir TOUT te dire et savoir que tu ne jugeras pas et ne que tu ne répéteras RIEN !
«Il est de bon ton chez de nombreux professionnels de santé de considérer le travail du sexe comme une violence par essence, qu'il est intrinsèquement dangereux pour la santé, et d'invalider la parole des TDS» (2)
Le travail du sexe n’est pas une violence en soi.
Les conditions d’exercice du travail du sexe peuvent rendre les TDS plus exposé·e·s et vulnérables à la violence.
Plusieurs rapports de Médecins du Monde le soulignent : plus leurs conditions de travail sont précaires et plus les TDS sont exposé·e·s à la violence.
En tant que soignant·e·s, c’est à nous de ne pas nous tromper ! Parler des conditions de vie des personnes peut nous aider à identifier des vulnérabilités. Le travail du sexe n’est pas une violence par essence et mieux comprendre le contexte dans lequel il est pratiqué peut aider à identifier les risques potentiels.
“Un jour, un médecin s'est énervé et m'a dit: “C'est dangereux ce que vous faites jeune fille”. J'avais 39 ans»,” (2)
Infantilisation des TDS
Il n’est pas rare qu’un·e TDS rapporte avoir été infantilisé·e par des soignant·e·s. Et pourtant ces patient·e·s ont parfois dû développer une véritable expertise à partir de leur expérience. La preuve, l’existence de centres de santé ou de structures de soins communautaires. Certaines, comme le Bus des Femmes existent depuis plus de 30 ans !
Ici notre rôle est de comprendre qu’il y a des choses que les patient·e·s savent mieux que nous. Et éventuellement de proposer des ressources aux personnes qui n’en ont pas. Renseigne-toi sur les assos qui existent autour de toi. On t’aide, à Lyon c’est Cabiria. En plus, elles ont certainement des ressources adaptées que tu pourras distribuer.
Samantha (TDS) à propos des IST “[…]On est les premières concernées. On sait. On sait quels sont nos risques, notre capital risque. On le sait. Nous mêmes, moi ça m’est arrivé à l’époque, des petits jeunes, des clients de leur faire la leçon sur 15- 20 minutes”. (vidéo ci-dessous)
Exposition aux IST
Les associations signalent l’augmentation des demandes de rapports sexuels sans préservatifs par les clients. Et ce serait de pire en pire depuis la loi pénalisant les clients. La diversité de parcours et de conditions de vie explique qu’il y a des TDS mieux ou moins bien informé·e·s que les autres. Dans tous les cas, nous devons les accompagner dans une pratique de réduction des risques qui prend en compte les situations individuelles.
La barrière de la langue, l’appartenance à une communauté marginalisée (personne trans*, migrant·e·s…), les difficultés d’accès au logement, l’isolement, le manque de confiance envers les administrations, la précarité, les addictions, le statut juridique sont quelques-uns des freins qu’on peut rencontrer pour accéder aux soins.
Lorsque cela est possible, il est important d’utiliser tous les moyens à notre disposition pour faire sauter ces freins. Par exemple en faisant appel à des interprètes (ou même en utilisant ton smartphone pour traduire), en orientant vers des structures socio-juridiques ou médicales adaptées. Par exemple, les PASS (Permanences d’Accès aux Soins de Santé) reçoivent des personnes sans couverture maladie.
Le plus important est de toujours rassurer, non tu ne communiqueras jamais rien aux services de l’immigration, ni à qui que ce soit d’autre d’ailleurs sans l’accord de la personne !
Vulnérabilités multiples
«Ma médecin généraliste refusait de m'orienter vers un centre antidouleurs et ne cessait de supposer que ces douleurs n'étaient présentes que durant les périodes où je travaille –il aurait donc fallu que j'arrête d'exercer. Elle m'a fait attendre des mois en me prescrivant uniquement de l'ibuprofène. J'ai fini par me retrouver à l'hôpital avec du sang dans les selles»
Les besoins de santé des TDS ne sont pas tous liés à leur travail
Être TDS n’est pas un symptôme ni un point d’appel. C’est le moment de reprendre la base de l’interrogatoire et de se concentrer sur la plainte de la personne !
Les services d’obstétriques sont en général un lieu privilégié de rencontre avec les TDS, car la grossesse et l’accouchement nécessitent un suivi médical.
La grossesse et la maternité sont vécues de façons plurielles pour les TDS. il ressort tout de même que l’isolement familial peut être très important.
La peur d'être vu·e comme “un mauvais parent” et que ses enfants soient placé·e·s peut conduire à s’isoler pour éviter le jugement.
La grossesse et la maternité sont des périodes complexes, et l’isolement rend cette situation encore plus difficile.
Pour l'accompagner un.e TDS il faut l’écouter sans jugement, lui proposer des dépistages pour se protéger et protéger son enfant. On peut également l'orienter vers des structures qui peuvent de soutien : PMI, associations d’aide aux TDS, aux parents isolés etc…
TDS et obstétrique
“[…]les TDS ont aussi, parfois, des besoins médicaux spécifiques qui ne sont pas entendus par des professionnels de santé tantôt jugeant, tantôt pas, peu ou mal formés. «C'est notamment le cas pour des arrêts de travail […] dont on n'aurait pas eu besoin si on exerçait une autre profession»” (2)
Besoins médicaux spécifiques
Logiquement certains troubles gynécologiques ou musculo-squelettiques peuvent particulièrement compliquer le travail du sexe alors qu’ils n’auraient pas le même impact sur un caissier ou une ingénieure. Pour les TDS mais aussi pour tous et toutes, nous devons nous tenir à jour des traitements facilitant la réductions des risques en rapport avec les IST. Lorsque cela se justifie, il ne faut pas hésiter à informer et proposer les dépistages, les traitements pré ou post exposition au VIH (TPE, PrEP…).